place Saint-André-des-Arts

Auteur : Charles Marville

1866 / 2016

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(A gauche, la rue Suger; à droite, la rue Saint-André des Arts ;  )

En guise de commentaire,  je cite un extrait du livre de  Graham Robb.

Une histoire de Paris par ceux qui l’ont fait
Flammarion / libre Champs

Chapitre « Marville »,  page 187 (extraits)

La photographie représente le fond d’une place parisienne par un matin d’été,  tôt, à l’heure où les bruits et les odeurs de la ville contiennent encore leur déferlement. On devine l’heure de la journée à la lumière qui tombe de l’est, à l’ombre de l’immeuble situé derrière la chambre noire, qui s’est déjà retirée de la moitié de la place, et à la propreté des pavés. Le soleil est levé, mais il n’y a personne dehors, mis à part, bien entendu le photographe et son assistant.

Ce cliché a été pris en 1865, ce que l’on peine à croire tant le piqué de l’image est fin.  Il y a plus de détails au centimètre carré qu’on ne le penserait  possible pour l’époque. Ici, à l’aube du passé visible,  les immeubles semblent presque rayonnants dans leur crasse, comme s’ils n’avaient pas encore appris à poser devant l’objectif.      …/…

A l’angle de l’une des rues étroites qui s’échappent vers l’ouest, un flou gris pourrait être un tourbillon de poussière soulevé par les balayeurs, ou simplement le spectre d’albumine et de collodion d’un personnage s’éloignant d’un pas vif pour disparaître dans la rue Saint-André-des-Arts.

La forme biscornue de la place garde le souvenir d’un monument qui n’existe plus. L’église Saint-André était l’une des deux seules églises de Paris isolée sur tous ses côtés des bâtiments environnants. Elle fût vendue sous la Révolution, puis démolie comme une excroissance malvenue, ne laissant que l’espace qu’elle avait occupé pendant six cents ans. Quelque part près de l’endroit où le photographe a posé son trépied, un nourrisson vagissant au-dessus d’un baptistère avait reçu le chrême sous le nom de François-Marie Arouet (il se ferait par la suite appeler Voltaire). Les fondations demeurent comme une ancienne résurgence volcanique après l’érosion des roches friables.

Les murs qui autrefois ne voyaient rien que d’autres murs sont désormais placardés d’un assortiment de lettrages propres à épuiser le catalogue d’un guide de typographie, comme autant de cartouche dans une tombe égyptienne. A quinze mètres en hauteur, un invalide géant est allongé sur un lit métallique en vente ou en location au 28 (18 sur la photographie)  rue Serpente. Les bains à quarante centimes de la rue Larrey, tout près de là, sont en concurrence avec les bains de vapeur, plus éloignés mais autrement raffinés, du 27 rue Monsieur-le-Prince.   …/…

Le photographe Eugène Atget a réalisé le même cliché en 1898.